Écrit dans le ciel
dans Le Figaro

Le magnifique article de Thierry Clermont est à découvrir dans le Figaro:

«L'écrivain vagabond rend un bel hommage à celle qui fut sa compagne. Troublant.»

On connaissait le flâneur érudit (Ma valise, Soliloques de l’exil), le vagabond sentimental des confins de l’Europe, l’éditeur curieux et téméraire, l’amoureux de l’Italie (Métronome vénitien, Alphabet triestin, Continent’Italia), l’ami de Raymond Queneau, de Naipaul et de Joseph Brodsky. Cette fois-ci Samuel Brussell s’est résolu à arpenter l’ombre des sentiments, à l’écoute des échos des réminiscences de celle qui fut la compagne de toute une vie, Valérie, disparue brutalement à l’automne 2020.

Dans cette vibrante Lettre à Vouchka, qui n’est ni oraison, ni célébration, ni tombeau, ni kaddish, mais à la fois carnet de notes, journal de voyages, offrande amoureuse, Samuel Brussell prend à témoin celle qui lui avait confié que leurs liens «sont écrits dans le ciel» depuis leur première rencontre au jardin du Luxembourg, au milieu des années 1980, jusqu’à la dernière station, dans un village du Valais, nommé Pays-d’Enhaut. «L’amitié et la beauté, la nostalgie à laquelle peut-être ne manque que la chimère du bonheur – sans l’ombre d’un regret –, ce furent nos liens et notre quête, que je fais voeu de poursuivre aujourd’hui», avoue-t-il dans les dernières pages.

La difficulté à dire

Il y a dans cette pudeur, dans cette retenue, une certaine noblesse qui tranche sur les confessions exhibitionnistes ou éplorées qui font florès aujourd’hui. Ce que Samuel Brussell nous dit, c’est tout simplement la difficulté à dire, dire sa douleur, sans entraves ni sanglots. Ne cite-t-il pas à propos ce mot terrible du romancier C.S. Lewis, qui ouvre Un chagrin passionné: «Le chagrin ressemble à la peur»? L’auteur se retient, prend des détours, puise dans les livres des autres, reprend des versets du Livre d’Isaïe, évoque leurs voyages passés, les lieux partagés (Italie, Suisse, Ukraine, Andalousie, Israël…) Évoluant par cercles, il convoque d’autres deuils, dont celui de sa mère, morte à Haïfa un an avant Valérie. Haïfa où était né le petit Samuel, «enfant de l’idéal sioniste», en 1965, dans un kibboutz. Le chagrin a aussi besoin de macération, de la décoction du temps: «Les moments vécus qui se réveillent en moi par les apparitions fugaces qui jaillissent au détour d’un paysage, d’un intérieur, d’un visage.» La purification peut alors commencer, par l’écriture, et le deuil s’effacer. Et ce, «depuis l’autre rive, au-delà de l’absence». 

C’est le jour de Noël 2021, alors qu’il est à Jérusalem, qu’il lâche, dans l’épilogue: «J’avais découvert humblement ce qu’était l’amour et son double, la liberté, ce don que tu vécus et partageas pleinement: une seule et même essence à laquelle seule la gratitude puisse répondre». Ajoutant, en point d’orgue: «Ton voyage devenait mon voyage, le voyage du cercle de l’amour, arbre et racines autour desquels se fait et se déroule toute vie à l’infini.» 

23.02.2023

Samuel Brussell

Samuel Brussell a fondé et dirigé les Éditions Anatolia de 1992 à 2011. Il est l’auteur d’une douzaine de récits romanesques, publiés principalement chez Grasset et à La Baconnière.

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