Rapporter, oui, mais non sans émotion
dans LivreSuisse Magazine n°4

«un petit objet ouvert à l'imaginaire du lecteur, qui procède par touches, de découvertes en amours, mais aussi en questionnements, avec une réelle sensibilité» – Elisa Clerc

Prenant comme point d’envol la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée, le 24 juillet 2020 à Istanbul, Maxime Maillard publie Tamam aux éditions La Baconnière, un petit objet ouvert à l’imaginaire du lecteur, qui procède par touches, de découvertes en amours, mais aussi en questionnements, avec une réelle sensibilité.

Dans ce récit de voyage où se rencontrent des intimités, Maxime Maillard nous confie ce qui aurait dû être un article de presse et qui est devenu un livre à la couverture d’un bleu profond. Sur ce bleu apparaissent les nuques de musulmans à la prière. Aux pieds d’Ayasofya qui devient musulmane, ces nuques dans le prolongement des dos arrondis frappent le journaliste à l’observation des croyants organisés en un parterre de tapis et de corps repliés. Avant ce moment d’extase durant lequel la prière est portée par toutes les voix, les fidèles envahissent les rues à la recherche de quelques centimètres non encore recouverts d’un tapis coloré. Dans ce va-et-vient, le narrateur se perd en tentant de passer les barrières de sécurité avec sa carte de presse. Assis au sommet d’un mur, Maxime semble être le seul à ne pas réciter les paroles avec la foule. Son écriture précise et consciencieuse nous fait revivre l’évènement, et son statut d’étranger confronte le lecteur à ses propres interrogations et préjugés, ses envoûtements comme ses réticences. Le livre invite d’ailleurs à participer concrètement au récit, à dialoguer avec lui: à la fin de l’ouvrage, un espace vierge de mots est réservé aux notes éventuelles du lecteur. Lorsque la foule s’efface, le journaliste rejoint sa bien-aimée. Larisa est Russe et a traversé des pays pour passer quelques jours dans les bras de celui qu’elle a rencontré avant la pandémie. Laissant fleurir leurs amours, Maxime et Larisa se joignent à un couple qui porte déjà ses fruits, en pleine lune de miel. Halil et Shokoofeh les convient à partager un peu de leur quotidien avant de laisser repartir les amants sur leur route. Par sa maîtrise des descriptions et des émotions, Maxime Maillard transcende les barrières entre cultures et nous déchiffre l’Autre en transparence. Il dit oui à l’inconnu – tamam équivaut d’ailleurs à notre d’accord. À Ölüdeniz, petit village bordant la mer Égée, Larisa va se lancer dans le vide. Maxime est plus réticent. Mais il ne lui reste plus qu’à courir sur quelques mètres s’il veut rejoindre Larisa déjà dans les airs. Le moniteur s’assure que Maxime est prêt à décoller. Tamam, répond-il. – Elisa Clerc

01.12.2022

Maxime Maillard

Maxime Maillard est né en 1982 en Suisse. Diplômé en sociologie et en littérature, il travaille pour la presse culturelle.

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