Si un Martien trébuchait sur un parapluie
dans Vigousse
Ce livre est une leçon de choses, celles que l’on a sous le nez et auxquelles on ne prête plus attention par manque de curiosité ou d’imagination. – Marie-José Brélaz
Le Tessinois Matteo Terzaghi en a à revendre dans La Terre et son satellite. Il s’enthousiasme quand il s’agit d’observer la pluie dans une forêt, dans une ville ou vue d’une autre planète: «Si un Martien trébuchait sur un parapluie, il est peu probable qu’il en devinerait la fonction originelle.» Il se met à la place d’un lombric qui peut se reconstituer tête et queue, après avoir été sectionné. Il est captivé par la survie, dans une capsule arrimée à terre, de Chinois qui simulent un voyage vers la Lune, en complète autarcie. La recette qu’ils en rapportent est: «Une terrine faite maison à base de petits pois, de haricots, de vers, de poils de barbe, de rognures d’ongles, de persil, de croûtes de sang et de résidus digestifs variés.»
Ce recueil est une succession de petites nouvelles à lire dans l’ordre ou le désordre, comme on lirait des rédactions scolaires avec des mots simples, des textes concis, mais pas trop... L’auteur se souvient d’une recommandation de l’un de ses profs de lycée: «Le secret d’une rédaction – mais cela vaut pour la vie en général – c’est la digression.» Plus qu’un écrivain, Matteo Terzaghi, né en 1970 à Bellinzone, est un faiseur d’images. Il joue entre l’observation, les références scientifiques, littéraires, musicales et cinématographiques. Pour raconter la pluie – encore elle – il cite un film muet de 1929 (Regen) dans lequel le réalisateur a dû confier à la vue la dimension acoustique de la pluie pour «que nous nous rendions ainsi compte que nous pouvons aussi entendre les sons et les bruits avec les yeux». C’est bourré de talent et d’humour et, si la Lune est le satellite de la Terre, on irait bien la décrocher pour être aussi inspiré que Matteo Terzaghi.
La Terre et son satellite est son premier ouvrage traduit en français.
04.03.2022
Matteo Terzaghi est né à Bellinzone en 1970. Auteur de l’essai Il merito del linguaggio (Casagrande, 2006) et de la constellation de proses Ufficio proeizioni luminose (Quodlibet, 2013), il reçoit le Prix suisse de littérature en 2014.